Caroline Michel / 89 mois

Quelques infos sur le livre :

89 mois

  • Auteur : Caroline Michel
  • Serie : 
  • Genres : Littérature contemporaine
  • Editeur : Préludes
  • Collection : Préludes Littératures
  • Publication: 04/ 06/ 2016
  • Edition: Broché
  • Pages : 288
  • Prix : 14,90€
  • Rating:  

 

Résumé :

J’ai trente-trois ans, ça y est. A quarante ans et des poussières, mon corps sera hors jeu. Il me reste donc sept grosses années pour faire un enfant, soit quatre-vingt-neuf mois. Un chiffre minuscule. A peine deux mille sept cents jours. Que peut-on faire en deux mille sept cents jours ? Rien. J’en ai déjà mis cinq à construire trois meubles Ikea. »

Jeanne, célibataire, contrôleuse de train sur la ligne Paris-Auxerre, n’a qu’une obsession : devenir maman avant que le temps la rattrape. Elle a fait une croix sur le couple, il lui faut simplement un géniteur. Sa décision ne fait pas l’unanimité auprès de ses amis, et, même si parfois elle doute, elle est déterminée à surveiller son cycle, à provoquer les rencontres, à boire des potions magiques et à lever les jambes après chaque rapport, sait-on jamais.

 

Avis de TeaCup :

Je tiens à remercier Anne pour l’envoi de ce service presse.

La couverture m’a interpellée immédiatement, le titre… j’ai lu le résumé et j’ai trouvé une pointe d’humour avec les meubles Ikea qui m’a tout de suite donné envie de tester ce livre et je ne le regrette pas. Je l’ai lu très vite, en 3 jours je pense ce qui est assez rare en ce moment. Il est au final assez court c’est presque du format poche, moins de 300 pages avec pas mal de coupures, on n’est pas sur un gros pavé non plus.

Déjà, on peut souligner un style assez particulier, qui n’a rien de guindé : on a plus le droit à une suite de réflexions, de petites scènes qu’un format classique. On a la même impression dans les dialogues, où la moitié est mise avec des tirets, la moitié est seulement décrite, les deux s’entremêlant et donnant une impression assez brute au texte, un côté actuel. Au départ ça m’a perturbé. Je trouvais que mélanger tiret de dialogue et moitié de phrases justes décrites au court de la narration c’était à moitié bizarre. Puis on s’y fait. Les scènes sont parfois très courtes sans fil conducteur et une bonne part et un genre de dialogue avec l’enfant que cette héroïne rêve d’avoir. « Je fais ça pour toi », « Je pense à toi en train de faire ça… », il en résulte quelque chose de très intimiste, qui en même temps n’exclut pas le lecteur.

Ce livre est en fait assez déconcertant car sous des dehors de comédies, de traits d’humours, une volonté de ne pas faire dans le pathos même s’il y a quelques virages bien serrés proche de vrais moments difficiles pour l’héroïne avec un grand découragement, de la solitude… on sent une volonté de parler d’un sujet grave autrement. De ne pas partir dans le mélo, de garder un ton qui pourra parler à celles qui n’ont pas vécu cette longue errance pour avoir enfin le droit à devenir mère tout comme à celles qui l’ont vécu et se reconnaîtront sûrement dans les réflexions bien pensantes adressées par les proches, les moments de doutes, de ridicules, de peine et de découragement. Quand elle prend des risques sciemment tout en balisant par rapport à ses choix.

Jeanne est une héroïne combative, plutôt positive, ni très intelligente ou parfaitement belle ou… elle est réelle. Comme sa famille et ses proches, toute une galerie de personnages dépeinte avec justesse. J’ai été sidéré par les aspects presque opposés que le roman finit par mettre en équilibre comme si c’était simple. Qu’on comprenne ou pas l’héroïne, qu’on approuve ou pas son parcours n’a pas d’importance. En tout cas il semble véridique et touchant. Il interpelle, au fur et à mesure des questionnements de l’héroïne on peut penser la même chose qu’elle, j’y reviens, ce roman sonne juste. Je pense qu’il interpellera tout particulièrement celles qui l’ont vécu/le vivent. Il y a de l’espoir dedans, de la vérité crue, de l’amour, de la joie de vivre et une volonté de dépeindre une réalité que traversent bien des femmes passées la trentaine, plus ou moins isolées dans une envie de bébé avec un conjoint ou sans. Quand les amies deviennent mères, que les gens sortent des phrases toutes faites « tout vient à temps à qui sait attendre », « ça arrivera quand tu t’y attendras le moins »… et autres joyeusetés du genre. Quels échos ses jugements, ses questionnements et un retour toujours très pertinent de l’héroïne qui renvoie dans les cordes ses réflexions souvent bien intentionnées… mais parfois totalement à côté.

Un roman juste, drôle et touchant. Il ne donne pas toutes les réponses, il laisse des portes ouvertes. On ne sait pas trop où va nous emmener l’auteur et quel est en fait la « bonne » fin celle qu’on voudrait, sûrement car on évolue avec l’héroïne on suit son cheminement. Ce n’est pas une romance, même s’il y en a un peu. Ce n’est pas un témoignage (même si certains aspects viennent sans doute de témoignages) ce n’est pas non plus un documentaire (même si on sent certains passages parfaitement étayés)… c’est plus que ça. Juste une histoire qui raconte simplement une histoire qui ne l’est pas tout en évitant les pires écueils et poncifs du genre.

 

Extrait :

Ils s’exclament : « Trente-trois ans, l’âge du Christ ! » Je pense « celui d’avoir un enfant ».
Je souffle mes bougies.
Dans mon vœu, ça sent le lait, le talc, et une souris verte court dans l’herbe.

Quelques heures plus tard, de retour chez moi, je dépose mon cadeau d’anniversaire – une cafetière – dans un coin. Je m’assieds sur un carton, dans la pénombre, ma veste toujours sur les épaules, les doigts qui jouent avec mes clés. Je fixe les rainures du parquet puis les murs très blancs. Ça sent encore la peinture. La lumière rouge d’une enseigne de kebab éclaire légèrement la pièce. Je crois que c’est le moment, je crois que je vais le faire.
Faire mon bébé toute seule.
Je sens à l’instant même une présence dans mon nouvel appartement. Je le scrute à la recherche d’un public, prêt à applaudir ou à désapprouver mon initiative. En réalité, il n’y a personne. Juste un sentiment de gêne qui se cogne à un sentiment de fierté.
J’ai trente-trois ans, ça y est. À quarante ans et des poussières, mon corps sera hors jeu. Il me reste donc sept grosses années pour faire un enfant, soit quatre-vingt-neuf mois. Un chiffre minuscule. À peine deux mille sept cents jours. Que peut-on faire en deux mille sept cents jours ? Rien. J’en ai déjà mis cinq à construire trois meubles Ikea.
Je regarde le prix d’une insémination artificielle en Espagne et mon compte en banque. Ça coince. Mais cinq minutes plus tard, ça colle : je vais faire un bébé dans mon quartier, lire sur les visages des hommes s’ils sont fertiles, passer dans des lits puis à la pharmacie.
Ton père sera peut-être le banquier, un voisin, un collègue, un ami ou un ennemi. J’essaierai de me donner le choix. Je voudrais que tu sois jolie.
Je saisis un calendrier, laissé ici par les ouvriers. Nous sommes le 28 août, il est trois heures du matin, c’est la Sainte-Augustine. Ce prénom t’ira bien. Une chance que je n’aie pas pris ma décision hier, tu te serais appelée Monique.
Les yeux rivés sur mon nouveau décor, je prends plaisir à me répéter que j’attends un bébé. Pas un bébé logé dans mon ventre jusqu’à son terme. Non. J’attends un bébé comme on attend le métro ou l’été : en espérant qu’il débarque.
J’espère que tu ne m’en voudras pas d’une telle comparaison. Tu sais, des tas de gens bien attendent le métro et l’été.
Le compte à rebours est lancé.

Vues : 20

A propos de TeaCup

TeaCup pourrait être mon vrai nom tant je suis accro au thé. Je suis une dévoreuse de livres compulsive, je lis de tout et en grande quantité (plus ou moins quoi !). J’ai pensé à me soigner, mais finalement j'ai atterri sur un blog de chroniques. Je soigne le mal par le mal en somme.

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