Justine Niogret / Le syndrome du varan

Quelques infos sur le livre :

Le syndrome du varan

  • Auteur : Justine Niogret
  • Genres : roman biographique
  • Editeur : Le Seuil
  • Publication: 03/05/2018
  • Edition: poche
  • Pages : 224
  • Prix : 16€
  • Rating :  
6 etoiles

Résumé :

” Ça m’a pris longtemps pour comprendre pourquoi le varan. Ça se voit ici, dans ces lignes-là. Je ne sens rien. Enfin, si, quelque part dans un espace auquel je n’ai pas accès, je sens. Je dois hurler de haine et de terreur, avec la bouche pleine de bave. Mais je ne m’entends pas. Je suis là, sur le bord du marigot, à épaissir encore, à durcir, à cuire au soleil et à la boue. Je raconte, je dis les faits, je les écris, je les relis, une fois. Je les fais lire. Il y a les faits, il y a un goût d’ironie, de douleur passée, mais il n’y a pas ce que j’ai ressenti. Il n’y a pas ma fibre, celle qui hurle et crie et voudrait brûler le monde dans l’acide jusqu’à ce qu’il n’en reste que les os. Il n’y a pas ça. Il n’y a que le varan. Le varan épais qui parle de sa vieille voix de cadavre dans une langue trop tiède pour qu’elle lui plaise.

Cette nuit-là, quand je me suis réveillée, le monde a changé. “

Roman choc sur une enfance esquintée, récit de la reconstruction aussi, Le Syndrome du varan possède une voix unique et brûlante, qui marque pour longtemps.

Avis de BimboStratus :

[Trigger warning]. Nécessaire, probablement. Pourtant, je pense que Le syndrome du Varan a spécifiquement été écrit pour forcer les lecteurs à faire face à une réalité abominable que n’importe qui préfèrerait ignorer. C’est ça le souci d’ailleurs : si on ferme ce livre parce qu’il est dur comme on baisserait les yeux devant une des situations qu’il décrit, on est une partie du problème.

Ce roman à la première personne décrit la façon dont une mère et un père ont détruit l’enfance de leur fille, et la manière dont celle-ci s’est en quelque sorte protégée et reconstruite, entourée de gens qui pour beaucoup n’avaient rien à envier à ses géniteurs. La façon dont tout est écrit et tourné fait vite oublier qu’on lit une fiction, tellement cela semble tangible et réel.

Les maltraitances décrites sont de toutes sortes, psychologiques, physiques, sexuelles, émotionnelles, verbales ; d’une perversité qui se donne la grâce glaçante de paraître banale dans la vie de la narratrice. Mais ce récit n’est pas gratuit, il appelle une prise de conscience collective, quitte à choquer pour ça. Procréer est forcément un choix égoïste, l’enfant qui va naître n’a rien à dire là-dedans. Au final, devenir parent c’est tout donner à la personne dont on a la pleine responsabilité. Le travers est de donner le pire au lieu de donner le meilleur.

Justine Niogret est une autrice que j’apprécie énormément et dont la patte est facilement reconnaissable. Elle a un style percutant, mais pour donner des baffes c’est toujours mieux. Le rythme est soutenu, les chapitres sont cours et incisifs. Le thème ne se prête pas vraiment à la poésie, pourtant le texte sonne comme une sorte de litanie boueuse.

J’ai acheté Le syndrome du Varan à sa sortie en mai dernier, je l’ai lu d’une traite et ça m’a retourné le bide. J’étais enceinte. Je ne savais pas quoi écrire au sujet de ce texte qui résonnait pour moi comme un hurlement de rage, du même genre que ceux que l’on pousse pendant un effort violent. Puis j’ai accouché, j’ai hurlé, et j’ai commencé à apprivoiser mon enfant. Quelques mois sont passés, j’ai prêté mon livre, j’ai déménagé et j’y ai repensé. Je l’ai racheté, je l’ai relu, et j’ai su qu’il était plus que nécessaire que je me foute un coup de pied au cul pour écrire cette chronique. Parce que, tous les jours depuis sa naissance, je dis à mon fils que je l’aime et je le chéris, et ça c’est normal. Par contre dans des milliers de foyers on aime mal ou pas du tout, on frappe, on brime et on viole. Les enfants sont les premières victimes de violence et ceux qui leur font du mal trop souvent bien peu inquiétés au regard de leurs exactions. Le texte de Justine Niogret dénonce leurs agissements, le laxisme qui entoure leurs punitions légales et sociales ainsi que le comportement bien-pensant de ceux qui jugent et excusent sans savoir. Elle dénonce une démission globale de l’humanité au profit de la barbarie.

Cette nuit, j’ai rêvé que mon père était mort. Je rêve souvent que je le tue, mais là il était mort. Nous étions beaucoup, tous ses enfants, alors qu’en vrai il n’en a que trois. Nous étions dans une église, les gens coloriaient des vitraux dessinés sur du papier, il y avait une musique que j’ai toujours dans la tête, en écrivant ceci. Les gens étaient très sérieux. Nous, les rejetons, nous riions. Nous faisions connaissance. Nous disions; «Tout ça pour un connard pareil !» et ça nous faisait rire. Nous nous tripotions, les épaules, le cou, nous nous embrassions, parce que c’est bien ce que nous a appris mon père; on se touche en famille. Il y avait des boîtes de jeux anciens, coulissantes,minuscules, très belles, je savais qu’elles venaient de ma grand-mère, et mon père les avait mises sous clef,derrière des grilles. Bien entendu. Rendre la beauté et la joie inutilisables. Qu’aurait-il fait de jolies choses,ce pauvre type.

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A propos de BimboStratus

Rôliste passionnée, j'adore l'amour et le sexe. Féministe attentionnée, j'aime les nuages et les étoiles. Et les livres dans tous ça ? C'est surfait, mais y'en a des biens. Suivez mon regard.

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