Quelques infos sur le livre :
Alors Voilà, les 1001 vies des urgences
- Auteur : Baptiste Beaulieu
- Serie : /
- Genres : Roman contemporain
- Editeur : Fayard
- Collection : Documents
- Publication: 09/10/2013
- Edition: broché, poche
- Pages : 320
- Prix : 7,10€
- Rating:
Résumé :
Voilà le récit au quotidien d’un interne en médecine. Il fait des allers-retours entre son poste aux urgences et les soins palliatifs. Là, pendant sept jours, il décrit à une patiente en stade terminal (dans la Chambre 7), ce qui se passe sous les blouses et dans les couloirs. Pour la garder en vie le temps que son fils, bloqué dans un aéroport, puisse la rejoindre.
Se nourrissant de situations vécues par lui ou par ses collègues, chirurgiens ou aides-soignants, Baptiste Beaulieu passe l’hôpital au scanner. Il peint les chefs autoritaires, les infirmières au grand cœur, les internes gaffeurs, les consultations qui s’enchaînent… Par ses histoires drolatiques, poignantes et tragiques, il restitue tout le petit théâtre de la Comédie humaine.
Avis de BimboStratus :
Après avoir découvert le blog de Baptiste Beaulieu et les témoignages qu’il y publie, j’ai décidé de me procurer ce livre qui a de très bonnes critiques. Grand bien m’en a pris, j’ai passé un moment excellent !
Je lis rarement les résumés donc je ne savais pas à quoi m’attendre si ce n’est une avalanche d’histoires et de tranches de vie à propos des urgences à l’hôpital. Au final non, il y a effectivement beaucoup d’anecdotes mais l’auteur les a très bien agencées pour servir son histoire et le roman ne donne pas l’impression de n’être qu’un catalogue.
On suit un jeune médecin dans sa vie professionnelle et personnelle pendant 7 jours, alors qu’il tente d’aider une de ses patientes en soins palliatifs à se changer les idées en attendant l’arrivée de son fils, bloqué dans un pays étranger. Malgré la courte durée sur laquelle s’étend le récit, malgré l’envie qu’on a d’en savoir plus sur ce qui arrive ensuite, l’histoire est complète et on ne reste pas sur sa faim.
Les personnages sont tous différents et particuliers, chacun est attachant à sa manière et on se prend très facilement au jeu de l’auteur qui ne s’arrête réellement sur personne avec précision. Le livre est un tableau sans cesse modifié qui présente un petit univers complexe, celui de l’hôpital – surtout des urgences –, et ses habitants. Les situations vécues et les histoires racontées par les protagonistes s’enchaînent et ne se ressemblent pas, mais elles ont en commun une grosse dose d’humanité et d’émotions. Sur moi le livre a fait son petit effet, j’ai passé toute ma lecture à rire ou à pleurer une page sur deux, une réussite complète.
L’écriture est très fluide et agréable, pas de fautes ni de lourdeurs, le niveau de langue est bon et son style plein d’humour rend le tout vraiment plaisant à lire.
Je ne mets pas la note maximale parce qu’une bonne partie de la substance du livre (les anecdotes) sont déjà sur le blog – d’ailleurs je vous déconseille fortement de lire tout son blog avant de lire son livre, ça doit très probablement gâcher la lecture – mais l’envie y est, un vrai coup de cœur !
Extrait :
Un peu avant 17 heures, dans ma tête.
Qu’est-ce qu’être interne à l’hôpital ? C’est briser plusieurs années de tabous. Les selles, les urines, la sexualité, la perte des interdits fondamentaux. Personne ne nous prépare à cela, personne ne nous prévient que, au contact de nos frères ici-bas, il y a ce fait essentiel qui est de toucher le corps, le regarder nu, sans fard, dans la vieillesse et dans la maladie.
L’interne est jeune. C’est un homme ou une femme. Il/elle va à l’hôpital.
Là-bas, il/elle voit.
L’homme voit des sexes de femmes. La femme voit des sexes d’hommes.
Vous savez quoi ?
On met des tubes et des doigts dedans.
Bertha entre les mains, je repense à la discussion de la veille avec Chef Pocahontas. Alors qu’elle était étudiante, elle a fait un toucher rectal à une patiente de quatre-vingt-quatre ans.
Appelons-la Gloria, Nova étant déjà pris par une autre Mamie qui fabrique des yoghourts.
Gloria, donc… De longs cheveux blancs, très digne, coquette.
Et gênée…
Si gênée que, lors de l’examen, elle sanglotait d’humiliation à l’idée qu’une femme inconnue, de l’âge de sa petite-fille, mette un doigt dans son derrière.
Cette histoire m’avait turlupiné. Une vieille dame qui pleure de honte…
Désormais, grâce à Bertha, je saurai mettre à l’aise mes patients, même quand je toucherai à leur intimité la plus profonde…
Il suffira d’expliquer aux plus gênés, les yeux dans les yeux, quelques vérités essentielles :
– Nous n’apprécions pas vraiment de nous attaquer à cette partie-là de votre anatomie. Nécessité fait loi : on le fait car on recherche un saignement, une fissure, une tumeur, une infection de prostate, etc. Il n’y a pas d’acte gratuit dans la vie : cette affirmation vaut tout particulièrement pour le toucher rectal.
– Attention ! GROSSE RÉVÉLATION : le médecin qui vous fait le toucher rectal a lui aussi un anus ! Et il va lui aussi aux toilettes tous les jours. Évidemment, vous ne le saviez pas ! On ne voit jamais Dr House aller faire caca ou le Docteur Meredith Grey s’exclamer au Docteur Mamour : « Chéri, attends-moi là, je vais démouler un cake. »
– L’anus, ce n’est pas sale. Ou si, pardonnez-moi, c’est sale. C’est plein de bactéries. Mais c’est Humain. Et l’Humain, finalement, c’est grand et c’est beau, l’Humain, c’est celui qui peint la chapelle Sixtine, pose un sourire sur le visage de Mona Lisa ou construit le Taj-Mahal par amour. L’Humain, c’est celui qui écrit La République, la Neuvième Symphonie, ou celui qui synthétise la pénicilline et le vaccin anti-rabique.
J’aime à croire que si, à l’époque, la jeune Chef Pocahontas avait dit cela à Gloria, elle n’aurait pas éclaté en sanglots lors de l’examen. Peut-être même aurait-elle bombé son torse d’Être humain magnifique en s’exclamant :
– Vas-y mémère, je suis Gloria la Glorieuse, je n’ai pas honte : mon anus a peint La Joconde !
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